L'originalité historique de la Résistance toulousaine tient à son extrême diversité et à ses efforts, finalement couronnés de succès, de regroupement et de fusion, synonymes d'efficacité accrue. Il y a les Réseaux, les Mouvements, les Partis clandestins ?- essentielle­ment socialistes et communistes. Tous ont multiplié séparément leurs activités et leurs branches d'action. Il y a aussi le Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et Déportés (M. R.P.G.D.) qui a noyauté le milieu des prisonniers et l'Organisation de Résis­tance de l'Armée ?- Corps Franc Pommiés (O.R.A.?-C.F.P.) qui mène le combat de Libération sous la direction d'officiers et sous­officiers de carrière. De nombreux réfugiés antifascistes, juifs et non juifs, livrent une lutte à la fois politique et militaire dans les rangs de la 35e Brigade de la Main d'OEuvre Immigrée (M.O.I.) et les Gué­rilleros espagnols sont connus pour leur dynamisme et leurs aptitu­des à bien utiliser les... explosifs. Mais tout ceci ne fait pas beau­coup de monde. La Résistance n'est pas un phénomène de masse. A la Libération on comptera dans le département environ 7 342 mem­bres de l'Armée Secrète (A.S.), l'organisation militaire des grands Mouvements, 2 730 O.R.A. et seulement 1 484 Francs?-Tireurs et Partisans (F.T.P.) appartenant à l'organisation militaire du Front National lié au Parti Communiste...

Les actions n'en sont pas moins étendues. Les maquis apparais­sent dès 1943, surtout dans le sud du département boisé et vallonné. Toulouse est devenue une plaque tournante pour les évasions à tra­vers les Pyrénées et plusieurs itinéraires empruntent la partie haut­garonnaise de la chaîne. Attentats, sabotages mais aussi enlève­ments, coups de main, exécutions... deviennent de plus en plus nombreux. Rien d'aveugle, mais des cibles généralement bien choi­sies et déterminées. Des liaisons sont établies avec les Alliés, les Britanniques (Missions du S.O.E. Buckmaster) et les Américains (Mission Jedburgh « Bugatti » du colonel Fuller, à la Libération). Quant à la France Libre, elle a homologué plusieurs terrains de parachutage sur lesquels sont envoyées armes et munitions. Mais ceci est fait avec parcimonie et de manière trop inégale. Certaines organisations (O. R. A. ?-C.F. P.) apparaissent mieux loties que d'autres (A.S. et surtout F.T.P.). Cela crée une source malsaine de disparités, voire de tension.

Le regroupement se fait en plusieurs étapes. Des hommes comme François Verdier, le chef régional M.U.R., Jean Cassou, le Com­missaire de la République de la clandestinité, Serge Ravanel, le chef régional F.F.I. ou encore « Jean » Carovis, le président du Comité Départemental de Libération et Jean?-Pierre Vernant alias « Ber­thier », le chef départemental F.F.I., vont jouer un rôle décisif. Ce sont d'abord les grands Mouvements (Combat, Franc?-Tireur, Libé­ration) qui ouvrent la voie. Ils se regroupent dans des Mouvements Unis de la Résistance ?- Mouvement de Libération Nationale (M.U.R. ?- M.L.N.) et fusionnent, à partir du le, avril 1944, leurs différentes branches « Action », telle « L'Armée Secrète » (AS.), dans des Corps Francs de la Libération (C.F.L.). C'est ensuite le Comité Départemental de Libération (C.D.L. qui regroupe les principales forces politiques et syndicales clandestines et devient, à l'initiative du Conseil National de la Résistance (C.N.R.), « l'âme du département » pour sa Libération. Ce sont enfin les Forces Fran­çaises de l'Intérieur (F.F.I.) qui absorbent au printemps 1,944 toutes les formations militaires résistantes (C.F.L. ; F.T.P. ; O.R.A.­C.F.P.... ). « Le miracle de l'Union est en train de se réaliser ». Au début de l'été 1944, les rivalités de personnes et les divergences poli­tiques et idéologiques sont en passe de s'atténuer ou de disparaître petit à petit.

Mais la Résistance paie chèrement le prix de son dynamisme. Ses martyrs sont nombreux. Des êtres anonymes mais aussi des person­nalités de premier plan comme Raymond Naves, le chef régional du Comité d'Action Socialiste, choisi pour être le futur maire de Tou­louse à la Libération ou encore François Verdier, le chef régional des Mouvements Unis de la Résistance (M.U.R.). La Répression est sévère. Elle est menée par les forces de l'Occupant, notamment par la sinistre Gestapo installée, à Toulouse, dans une belle maison bourgeoise rue Maignac (aujourd'hui rue des Martyrs de la Libéra­tion). Mais « l'efficacité » allemande n'aurait pas été ce qu'elle a été si elle n'avait bénéficié de l'aide de « mauvais Français » attirés par l'appât du gain ou le goût du pouvoir et dont les agents et indica­teurs constituent une sorte de « Gestapo française ». Il est vrai aussi que les Miliciens ainsi que les responsables du maintien de l'ordre vichyssois comme les Intendants de police Barthelet, Hornus et sur­tout Marty (à compter du 15 avril 1944) n'ont pas été en reste dans la lutte contre la Résistance. L'enquête qu'à fait G. Bixel pour éta­blir « la Carte de la souffrance » de la HauteÅ]Garonne a recensé 1 370 déportés (dont 644 non rentrés à la Libération), 416 internés et 617 tués (dont 216 morts au combat, 198 fusillés, 112 massacrés et 91 disparus o de mort inconnue). Un bilan très lourd qui se passe de commentaires.

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C'est à l'écrivain Roland Dorgelès, réfugié à Montsaunés, un petit village situé près de SaliesÅ]duÅ]Salat, que nous emprunterons ces quelques lignes pour décrire la nouvelle atmosphère et le nouvel état d'esprit du printemps 1944 dans le département, plus particuliè­rement dans sa partie méridionale

« La région pyrénéenne est riche en forêts : des troupes s'y cons­tiuèrent, des officiers surgirent, les armes tombèrent du ciel. Ici se trouvait l'Armée Secrète. Là les FrancsÅ]Tireurs Partisans, ailleurs l'Armée de la Résistance. Tous de nuance différente, mais la même foi au cour.

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