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Troisième
partie
RÉSISTANCE ET RÉPRESSION
La Résistance, nul mieux
que Jean Cassou, le Commissaire de la République de la clandestinité,
n'a été capable de la définir, à sa manière
de poète engagé
« Pour chaque Résistant, la Résistance
a été une façon de vivre, un style de vie, la
vie inventée... Moi, ce moment de mon existence, je l'appelle,
pour moi : le bonheur... Comment ne pourraisÅ]je
pas appeler du nom de bonheur Å] et je n'en trouve pas d'autre qui
soit aussi prestigieux et sacré Å] un temps où, en quelque lieu que ce fût,
en prison ou dans la clandestinité, il était possible à l'homme
d'estimer l'homme ? On ne connaissait autour de soi que des
gens qui n'avaient rien à gagner que le pire. On n'avait à les
soupçonner d'aucun calcul de derrière la tête.
S'ils couraient des risques, c'est qu'ils l'avaient voulu, et l'on
ne pouvait envisager en eux que cette volonté simple. Heureux
donc, bienheureux le moment, exceptionnellement ouvert dans
l'épaisseur du temps ordinaire, où l'on a pu connaître
une si admirable simplification des relations
humaines et une aussi franche et lumineuse fraternité ....
« La Résistance fut et demeure un fait
moral... Nous avons été des révoltés moraux,
des rebelles, nous avons refusé la loi... Nous avons été des
rebelles. Nous avons été aussi des malins. Nous avons
préservé notre honneur. Et à présent nous
montrons nos mains propres, que nous n'avons pas voulu tremper
dans ce cloaque où s'absorbait notre pays...
Pendant quatre ans la France légale, officielle,
publique, historique, s'est déclarée sous les traits
du régime Pétain, lequel a vécu en bonne intelligence
avec l'ennemi. Cela lui a donné un état de conscience
que nous n'avons pas partagé, dont nous sommes demeurés
absents.. . Il en demeure pour la conscience collective française,
pour la conscience des Français, une charge, une blessure, le
sentiment d'avoir vécu, ensemble, quelque chose d'un peu
amer, d'avoir accompli ensemble un périlleux et pesant sacrifice
: et nous, nous restons en dehors. La charge, la blessure ne sont pas
pour nous. Nous étions ailleurs... »
(La Mémoire Courte, Editions de Minuit,
1953). |
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