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Deuxième partie

LES EFFETS DE L'OCCUPATION ALLEMANDE

L'arrivée des Allemands à Toulouse et dans le département le 11 novembre 1942 modifie complètement les conditions de vie. désormais il faut tenir compte de la présence de l'occupant et, malgré ses efforts, le préfet régional Cheneaux de Leyritz - en poste jusqu'en janvier 1944 - aura de plus en plus de mal à résister aux pressions et à préserver les apparences de la souveraineté nationale. Le souci de mieux contrôler la frontière espagnole explique la création en février 1943 d'une « Zone Réservée » où les conditions de déplacement sont sévèrement réglementées. Les prélèvements économiques - agricoles mais aussi industriels - se multiplient que ce soit, par exemple, sur le complexe industriel de Boussens ou, à Tou­louse, sur la Cartoucherie, la Poudrerie et les usines aéronautiques. Les besoins en main d'oeuvre de l'économie allemande conduisent le gouvernement de Vichy à instituer la Relève en 1942 puis le Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) en février 1943. Quelques 8 000 à 9 000 jeunes haut-garonnais vont travailler en Allemagne ; ils appartiennent essentiellement aux classes d'âge 1920-1921-1922. Avec plus ou moins de réussite, la Résistance cherche à enrayer le mouvement et à discréditer le régime de Vichy et sa politique de collaboration. En fustigeant par exemple la devise de l'Etat francais :

TRAVAIL: forcé

FAMILLE: disloquée

PATRIE: abandonnée

(Journal Combat. Juillet 1942).

En invitant aussi à la désobéissance et au sabotage, ou en dénonçant? les conditions de vie en Allemagne par des histoires aussi édifiantes que celle du « Rouge et du Noir » :

«Un chômeur, contraint de partir travailler en Allemagne, avertit sa femme le jour de son départ « Si je t'écris à l'encre noire, je dis la vérité, si je t'écris à l'encre rouge, il faudra comprendre le contraire de ce qui est écrit ». Un mois plus tard, sa femme reçoit d'Allemagne la carte suivante, écrite à l'encre noire : « Ma Chérie, nous sommes très heureux, bien logés. Bon lit, excellente nourriture, traitement très amical des surveillants de l'usine, jamais de reproche, jamais d'alerte, jamais de bombardement... On trouve tout ce qu'il faut dans les magasins, absolument tout, excepté de l'encre rouge.

(Combat. Août 1942).

En fait, la propagande officielle est omniprésente. La censure permet de filtrer l'information et, malgré son traditionnel « fétichisme républicain », le journal local le plus lu, « La Dépêche », verse dans les compromissions et les ambigüités. Et puis il y a les « ultras » de la collaboration. Leur nombre n'est pas très important mais leur activisme grandissant. Les Miliciens du chef Frossard, responsable départemental, sont les plus en vue à partir de février 1943. L'antisémitisme, l'anticommunisme, « l'antiterrorisme » les caractérisent. Autant de formules sommaires qui débouchent en fait sur un surcroît de violence avec pillages, arrestations, exécutions...

Dès lors les conditions de la vie quotidienne se dégradent encore un peu plus. Difficultés de logement, de déplacement, d'alimentation (sauf bien entendu pour les profiteurs du « Marché Noir »). Il faut distinguer entre la grande ville, Toulouse, où les conditions empirent et les bourgs ruraux environnants du département où elles paraissent un peu meilleures. D'autant que 1944 voit les premiers bombardements sur une agglomération toulousaine jusqu'ici épargnée. Le premier a lieu dans la nuit du 5 au 6 avril 1944 et vise les usines aéronautiques il fait plusieurs dizaines de victimes. Un sabotage de la Poudrerie, réalisé par la Résistance le 27 avril, cherche à éviter un second bombardement. En vain. Celui?-ci a lieu dans la nuit du 2 mai et fait encore une vingtaine de victimes. Comble de malheur : la Poudrerie continue à fonctionner. Il faudra attendre un nouveau sabotage réalisé par un ingénieur, Lambert, pour que l'objectif soit enfin atteint et ce sans aucune victime. Les deux derniers bombardements auront lieu de jour et auront une moindre portée le 25 juin, sur les terrains d'aviation de Blagnac et Francazal, le 12 août, à nouveau sur l'aérodrome de Francazal.

Dans ce contexte de souffrances, l'opinion publique bascule. Ceci se fait lentement, progressivement. Il n'y a pas à l'époque de sondages, ni de consultations électorales pour tâter le pouls de l'opinion, mais des indices révélateurs de plus en plus nombreux : l'écoute de la radio de Londres ; l'aide qu'on apporte aux persécutés, aux évadés, aux juifs, aux Résistants... ; la participation aux manifestations de protestation ou de commémoration symboliques (1er mai, 14 juillet...) ; et puis, surtout, l'attente, encore diffuse mais de plus en plus pressante du dénouement : le débarquement allié.

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